Au Japon, le Nouvel An, Oshôgatsu お正月, est la fête la plus importante, le moment des retrouvailles familiales, en partageant des plats culinaires faits maison. Cette tradition prend sa source à l'ère Heian, il y a mille ans.
Quand j'étais enfant, cette période toujours vive et joyeuse était très attendue. Comme vous le savez, chez nous on ne fête pas vraiment Noël, qui reste un artifice commercial importé.
A l'approche de la nouvelle Année, tout le monde est occupé à envoyer les cadeaux de remerciements, faire le grand nettoyage de la maison, décorer, préparer la fête de famille.
J'adorais aller faire les courses à Kuromon-ichiba, le plus grand marché d'Osaka, où l'ambiance est hystérique, les poissonniers hurlent pour vendre des dorades, crevettes, crabes géants, oeufs de poissons etc.. pour les fêtes de Nouvel An!
Quelques jours avant le Nouvel An, ma grand-mère et ma mère commençaient à préparer le "Osechi ryôri お節料理" , le mets traditionnel japonais décoré, présenté dans ma famille en 5 boîtes étagées qui s'empilent élégamment, le Ojûbako お重箱.
Plusieurs légumes et poissons sont préparés soigneusement : Renkon れんこん (racine de lotus), Ko-haku Namasou 紅白なます (radis blanc-carottes marinés, qui font la couleur rouge-blanc), Takenoko たけのこ (Pousse de bamboo), Shiitake しいたけ , Kuwai くわい (les tubercules des Sagittaires), Kuromamé 黒豆(haricots noirs), Kuri Kinton 栗きんとん (châtaignes douces), Bou dara 棒鱈 (morue séchée caramélisée), tazukuri 田作り (petites sardines caramélisées), Kazunoko 数の子 (oeufs du hareng), Ebi 海老 (crevettes) etc.
Il y a également Ozohni お雑煮 , la soupe de légumes locaux avec mochis, inoubliable. Et bien sûr Otoso お屠蘇 le saké doux préparé pour Nouvel An....
Ma mère nous expliquait que chaque mets dans Osechi ryôori a une signification, par exemple: Renkon (Racine de lotus) qui a plein de trous: pour qu'on soit clairvoyant dans la nouvelle année; Mamé (Kuromamé) signifie qu'on puisse travailler dur (まめに働く mamé ni hataraku)
Ce repas étant préparé en avance il ne nécessite pas de chaleur au moment de le consommer, à part la soupe, car selon la tradition les feux sont alors éteints pour éviter de se brûler ou se couper en cuisinant, ce qui annoncerait une année de malheur.. Le repas est donc fait essentiellement de mets séchés, vinaigrés, salés, ou de poisson et viandes maintenus au froid.
Une autre coutume est Toshi koshi soba 年越しそば , littéralement les "soba qui traversent l'année".. Ces nouillles exta longues symbolisent une longue vie et sont servies simplement dans un bouillon dashi de poisson, dans la nuit du passage à l'An Nouveau.
Le 1er janvier s'inaugure avec la première visite au temple de quartier pour prier et appeler les voeux de bonne chance et de bonheur. Ensuite toute la famille se réunit et l'on partage les Otoshidama お年玉 : les enfants reçoivent une petite enveloppe contenant de l'argent de la part des parents et connaissances. Le lendemain avec mes frères nous courions au magasin de jouets..
Ma grand -mère, née à l'ère Taisho, s'achetait chaque année un rouleau de tissu pour coudre son Kimono à temps pour le Nouvel an. Couture à la main. Quand j'ai eu 13 ans elle m'a acheté ma première machine à coudre pour que je l'aide à le coudre plus rapidement..
Ce sont là mes très beaux souvenirs de Nouvel An..
"Osechi ryôri" est au coeur du "Washoku", les traditions culinaires saisonnières du Japon
Afin de célébrer le passage des saisons, en particulier le Nouvel An, dans toutes les régions du Japon chaque famille cuisine ses spécialités, dont les recettes et le savoir-faire se transmettent de génération en génération. Ces traditions culinaires sont inscrites au patrimoine culturel de l’humanité de l'Unesco sous le nom de "Washoku". Elles se basent sur les principes de respect de la nature, d'ingrédients frais préparés dans chaque maison pour accueillir les divinités et les promesses de la nouvelle année, d'un service dans des plats de décoration dédiée et d'un esprit de partage et de cohésion familiale et communautaire.